Analysis of Satyre XV

Mathurin Regnier 1573 (Chartres ) – 1613 (Rouen )



Ouy, j'escry rarement, et me plais de le faire ;
Non pas que la paresse en moy soit ordinaire,
Mais si tost que je prens la plume à ce dessein,
Je croy prendre en galere une rame en la main ;
Je sens, au second vers que la Muse me dicte,
Que contre sa fureur ma raison se despite.

Or si par fois j'escry suivant mon ascendant,
Je vous jure, encor est-ce à mon corps deffendant.
L'astre qui de naissance à la Muse me lie
Me fait rompre la teste après ceste folie,
Que je recongnois bien ; mais pourtant, malgré moy,
Il faut que mon humeur fasse joug à sa loy ;
Que je demande en moy ce que je me desnie,
De mon âme et du Ciel estrange tyrannie !
Et qui pis est, ce mal, qui m'afflige au mourir,
S'obstine aux recipez et ne se veut guarir ;
Plus on drogue ce mal et tant plus il s'empire ;
Il n'est point d'elebore assez en Anticire ;
Revesche, à mes raisons, il se rend plus mutin,
Et ma philosophie y perd tout son latin.
Or pour estre incurable, il n'est pas necessaire,
Patient en mon mal, que je m'y doive plaire ;
Au contraire, il m'en fasche et m'en desplais si fort,
Que durant mon accez je voudrois estre mort :
Car lors qu'on me regarde et qu'on me juge un poëte,
Et qui par consequent a la teste mal-faite,
Confus en mon esprit, je suis plus désolé,
Que si j'estois maraut, ou ladre ou verollé.

Encor si le transport dont mon ame est saisie
Avoit quelque respect durant ma frenaisie ;
Qu'il se reglast selon les lieux moins importans,
Ou qu'il fist choix des jours, des hommes ou du temps,
Et que lors que l'hyver me renferme en la chambre,
Aux jours les plus glacez de l'engourdy novembre,
Apollon m'obsedast, j'aurois en mon malheur
Quelque contentement à flater ma douleur.

Mais aux jours les plus beaux de la saison nouvelle,
Que Zephire en ses rets surprend Flore la belle,
Que dans l'air les oyseaux, les poissons en la mer,
Se pleignent doucement du mal qui vient d'aymer ;
Ou bien lors que Cerès de fourment se couronne,
Ou que Bacchus souspire, amoureux de Pomone ;
Ou lors que le saffran, la derniere des fleurs,
Dore le scorpion de ses belles couleurs,
C'est alors que la verve insolemment m'outrage,
Que la raison forcée obeyt à la rage,
Et que, sans nul respect des hommes ou du lieu,
Il faut que j'obeisse aux fureurs de ce Dieu ;
Comme en ces derniers jours, les plus beaux de l'année,
Que Cibelle est par-tout de fruicts environnée,
Que le paysant recueille, emplissant à milliers
Greniers, granges, chartis, et caves et celiers,
Et que Junon, riant d'une douce influence,
Rend son oeil favorable aux champs qu'on ensemence ;
Que je me resoudois, loing du bruit de Paris
Et du soing de la Cour ou de ses favoris,
M'esgayer au repos que la campagne donne,
Et sans parler curé, doyen, chantre ou Sorbonne,
D'un bon mot faire rire, en si belle saison,
Vous, vos chiens et vos chats et toute la maison,
Et là, dedans ces champs que la riviere d'Oyse
Sur des arenes d'or en ses bors se degoyse,
(Sejour jadis si doux à ce Roy qui deux fois
Donna Sydon en proye à ses peuples françois)
Faire meint soubre-saut, libre de corps et d'ame,
Et, froid aux appetis d'une amoureuse flame,
Estre vuide d'amour comme d'ambition,
Des gallands de ce temps, horrible passion.

Mais à d'autres revers ma fortune est tournée.
Dès le jour que Phoebus nous monstre la journée,
Comme un hiboux qui luit la lumiere et le jour,
Je me lève, et m'en vay dans le plus creux sejour
Que Royaumont recelle en ses forets secrettes,
Des renards et des loups les ombreuses retraittes.
Et là, malgré mes dents rongeant et ravassant,
Polissant les nouveaux, les vieux rapetassant,
Dedans la Cour, peut-estre, on leur fera la moue ;
Ou s'ils sont, à leur gré, bien faits et bien polis,
J'auray pour recompense : ' Ils sont vrayment jolis. '
Mais moy, qui ne me reigle aux jugemens des hommes
Qui dedans et dehors cognoy ce que nous sommes ;
Comme, le plus souvent, ceux qui sçavent le moings
Sont temerairement et juges et tesmoings,
Pour blasme ou pour louange ou pour froide parole
Je ne fay de leger banqueroute à l'escolle
Du bon homme Empedocle, où son discours m'apprend
Qu'en ce monde il n'est rien d'admirable et de grand
Que l'esprit desdaignant une chose bien grande,
Et qui, Roy de soy-mesme, à soy-mesme commande...


Scheme AABBCC CCDDEEBBAAXABBAACCCCFD GGGGAAAA HHAABBGGIIXCJJGGGGGGBBBBGGGGKKBB JJXAGGCCEGGGGGGFDCCCC
Poetic Form
Metre 111111101 111111111 1111111111 1111111111 11110111111 1111110101 1111111010 1111011111 11111111 111111111 11111111 111111111 1111111111 111111011 11101111111 11111111 1111111111100 110111111 11111111 111111110 1110100110111 10111111111 111111111111 110111111 11111111111111 11110001111 1110111111 11111111 11001111011 11011011 111111111 111111111111 1111111111 11111111 111111 111011 11111111101 111111111 11111111111 11111111 1111111111 11101111 1110101111 101001111 11111111 111011111 11110111111 111111111 111111111111 1101111111 101111 11011111 111111100 111100011111 1111111110 1111111111 1111111 11101101101 11111111110 11111111110 11111111001 111111111 111111111 101111111 1111111111 1111111 11111010 1111110010 1111100111 110111011111 1111111101 1111111110111 1111111 11111111 11111111 111111 11111111011 11111111110 11101111 11111101111 111111111 10111111001 111111 1111111101 11111011 11111111 11111101111000111 110111111 111111111
Closest metre Iambic hexameter
Characters 4,214
Words 760
Sentences 12
Stanzas 5
Stanza Lengths 6, 22, 8, 32, 21
Lines Amount 89
Letters per line (avg) 36
Words per line (avg) 9
Letters per stanza (avg) 643
Words per stanza (avg) 155
Font size:
 

Submitted on May 13, 2011

Modified on March 05, 2023

4:01 min read
77

Mathurin Regnier

Mathurin Régnier was a French satirist. more…

All Mathurin Regnier poems | Mathurin Regnier Books

0 fans

Discuss this Mathurin Regnier poem analysis with the community:

0 Comments

    Citation

    Use the citation below to add this poem analysis to your bibliography:

    Style:MLAChicagoAPA

    "Satyre XV" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 7 Sep. 2024. <https://www.poetry.com/poem-analysis/27134/satyre-xv>.

    Become a member!

    Join our community of poets and poetry lovers to share your work and offer feedback and encouragement to writers all over the world!

    September 2024

    Poetry Contest

    Join our monthly contest for an opportunity to win cash prizes and attain global acclaim for your talent.
    23
    days
    2
    hours
    5
    minutes

    Special Program

    Earn Rewards!

    Unlock exciting rewards such as a free mug and free contest pass by commenting on fellow members' poems today!

    Browse Poetry.com

    Quiz

    Are you a poetry master?

    »
    Who wrote the poem 'Still I Rise'?
    A Sylvia Plath
    B Edgar Allen Poe
    C Maya Angelou
    D Audre Loude